Hyp: Olfaction

Hypothèse 2:  Le système des cannabinoides augmente l'olfaction



La deuxième hypothèse que l’on a établie est que l’augmentation de prise alimentaire induite par la prise de cannabis pourrait être due a une meilleure perception des odeurs. En effet, le cannabis a pour effet de moduler la perception de nos sens de par son expression dans les zones du cerveau qui relaient l’information sensorielle. En particulier, nous examinerons la perception olfactive car il a été décrit que les récepteurs CB1 sont présents dans le bulbe olfactif.

Pour vérifier cela, nous allons :

1) Décrire le mécanisme de l'odorat
2) Décrire la modulation de l’odorat par le système des cannabinoïdes.




Le système olfactif

L’olfaction est une perception sensorielle qui consiste à détecter des odeurs. Cette fonction est très importance pour les animaux et l’homme notamment pour leur reproduction, reconnaissance maternelle, recherche de nourriture et bien d’autres choses encore. 

Comment ça se passe ?

                                                           Mécanismes de la perception olfactive

Source : http://www.institut-nez.fr/nez-pathologies-frequentes/perte-d-odorat-c39.html



1) Les odeurs diffusent dans la cavité nasale et activent les neurones olfactifs.

Les molécules odorantes arrivent dans la cavité nasale. Ces molécules vont être captées par des récepteurs présents sur des cils appartenant aux neurones olfactifs sensoriels. Ces récepteurs vont être activés par les molécules odorantes et transmettent l’information de façon électrique au cerveau. De ce fait les neurones vont être capables de convertir une information chimique (molécules odorantes) en information électrique (influx nerveux).


2) Conversion du message chimique en message électrique dans les neurones olfactifs.
Les molécules odorantes vont alors se coupler avec les récepteurs membranaires des cils ce qui déclenche des réactions moléculaires en cascade dans le milieu intracellulaire des neurones, on appelle ça la transduction du signal. C’est-à-dire que les neurones vont répondre et s’adapter aux stimuli odorants provenant de l’environnement via des cascades moléculaires.
 => Comment s’opère la cascade moléculaire ? 
Les récepteurs aux molécules odorantes sont associés à des protéines G activatrices. De ce fait quand une molécule odorante se fixe au récepteur, ce récepteur active la protéine G. Le rôle de cette protéine G est d’activer une enzyme, l’adénylate cyclase, qui va synthétiser de l’AMPc (Adénosine monophosphate cyclique). Ce dernier provoque l'ouverture des canaux ioniques présents sur la membrane plasmique du récepteur olfactif. Ces canaux ioniques laissent passer les ions Na+ et les ions Ca2+ ce qui induit une dépolarisation de la membrane. Le récepteur olfactif est activé et produit alors des potentiels d'action (le message électrique) qu’il va transmettre au cerveau au niveau du bulbe olfactif.

Un schéma explicatif :

Transduction de l’information olfactive dans les neurones olfactifs

Source : http://biochimej.univ-angers.fr/Page2/COURS/7RelStructFonction/2Biochimie/5Signalisation/4RCPGetProteinesG/1RCPGetProtG.htm


3) Transfert et intégration de l’information électrique dans le cerveau au niveau du bulbe olfactif.
Les neurones sensoriels olfactifs convergent dans le bulbe olfactif au niveau des glomérules. Chaque glomérule est innervé par des neurones sensoriels olfactifs de même nature c’est-à-dire spécifique a la même molécule odorante : Un glomérule est un lieu où les neurones olfactifs de même natures sont en contact avec les cellules mitrales. Ainsi, les neurones olfactifs activés vont transmettre l’information aux cellules mitrales. 





Schéma des différentes cellules du bulbe olfactif









4) Transfert de l’information du bulbe olfactif vers d’autre régions du cerveau.
Les cellules mitrales sont des cellules principales du bulbe olfactif c’est-à-dire qu’elles ont leur prolongement dans d’autres régions du cerveau. L’information va donc être véhiculée vers ces régions telles que le cortex olfactif. A partir de ce moment, on va percevoir les odeurs. Les mécanismes de transduction du signal et du transfert de l’information jusqu’au cortex se fait très rapidement, en moins d’une seconde. Les cellules juxtaglomérulaires qui entourent les glomérules modulent l'activité des cellules mitrales et des cellules à panache. Parmi elles, les cellules périglomérulaires inhibitrices sont les plus nombreuses.


5) Modulation de l’olfaction

Mais comment l’olfaction est-elle modulée ? Nous pouvons réguler nos sens par diffèrent processus :    
     a) Détection du stimulus 
     b) Habituation au stimulus 
     c) Discrimination du stimulus 

Le cerveau n'intègre pas passivement l'information sensorielle. En effet, Il existe de nombreuses connexions à travers lesquelles l'information circule dans un sens "retour", c'est à dire des aires du cerveau jusqu'à des aires périphériques, dans notre cas le bulbe olfactif. C'est la voie du retour « feedbak » (voie corticofugale).

Le bulbe olfactif va donc recevoir des informations non seulement des neurones sensoriels olfactifs , mais aussi des aires du cerveau comme le cortex olfactif. Ce retour est très important car il permet une modulation de l'olfaction. C'est par ce feedback que les cannabinoides modulent la perception olfactive.

On peux moduler l'olfaction en jouant sur 3 paramètres différent qui sont les suivants:

a) Seuil de détection des odeurs

Pour chaque odeur, on a un seuil de détection c'est à dire qu'il nous faut une quantité nécessaire d'odeur pour les percevoir.

b) Habituation aux odeurs

Ce phénomène apparaît lorsque la détection d'un même stimulus de fait de manière répétitive. Par exemple, lorsque l'on achète un parfum, nous le sentons très bien pendant les premiers jours ou nous l'utilisons. Mais à force de le mettre, nous ne sentons son odeur que pendant quelques minutes : nous nous sommes habitués à l'odeur.

c) Discrimination entre les odeurs

Lorsque que l'on sent du vin rouge, qui est un mélange d'odeur, certaines personne arrivent à distinguer et les discriminer comme l'odeur de fruits rouge, du bois... Cependant, certaines personne n'arrivent pas à les discriminer.



Définitions

Le bulbe olfactif est la première région du système nerveux central à traiter l'information olfactive. Il reçoit l'information olfactive en provenance de l'épithélium olfactif, la structure de réception des odeurs. Le bulbe olfactif effectue un traitement et un codage de l'information avant de l'envoyer vers les structures supérieures du cerveau. Les neurones principaux du bulbe olfactif sont les cellules mitrales qui reçoivent l'information directement des récepteurs olfactifs ; après intégration, elles l'envoient via leurs axones aux autres régions du cerveau.








Cannabinoïdes et olfaction

Comment expliquer le lien entre THC et appétit ? Nous avons, pour cette hypothèse, choisi de travailler sur l'olfaction. En effet, quand nous avons faim, les odeurs que nous percevons sont plus intenses. Nous allons donc essayer de déterminer quel est le rôle des cannabinoïdes dans l'augmentation de l'appétit au niveau du système olfactif !


L’équipe du NeuroCentre Magendie, dirigée par Giovanni Marsicano, a cherché le lien entre l'olfaction, l'appétit et les cannabinoïdes. Les chercheurs ont montré que la faim rend une bonne odeur plus intense et plus attractive, via l’action des cannabinoïdes, ce qui pousse à manger plus. Ils ont réalisé plusieurs expériences sur des souris. Les souris possèdent en effet les mêmes structures que les humains au niveau du cerveau et on y retrouve les mêmes mécanismes.


Leurs recherches ont permis de montrer que les récepteurs CB1 sont abondamment exprimés sur les terminaisons axonales des neurones glutamatergiques qui se projettent sur les cellules granulaires inhibitrices du bulbe olfactif principal (MOB). 




Des manipulations pharmacologiques et génétiques ont révélé que les endocannabinoïdes et des cannabinoïdes exogènes augmentent la détection des odeurs et de la prise alimentaire chez les souris à jeun en diminuant l'excitation du cortex olfactif au bulbe olfactif

Voici quelques-unes des expériences qui les ont amenées à cette conclusion :
Expériences


  • Des souris ont été modifiées génétiquement (souris transgéniques) : on a supprimé les récepteurs CB1 spécifiquement sur les terminaisons axonales des neurones glutamatergique (Glu-CB1-KO), issues des aires corticales du cerveau, projetant vers diverses régions et notamment dans le bulbe olfactif. Dans le bulbe olfactif de ces souris mutantes, on observe une grande diminution de l’expression des CB1 en particulier au niveau de la couche des cellules granulaires (GCL= granular cells layer). Dans cette couche, se projettent les cellules glutamatergiques provenant du cortex (voie corticofugale) et exprimant les CB1. Des connexions se font entre les cellules glutamatergiques (excitatrices) et les cellules granulaires (inhibitrices).







Marquage des récepteurs CB1 au sein du bulbe olfactif




 Les chercheurs ont alors observé que ces souris mutantes se nourrissaient moins que des souris normales après un jeûne. 

=> Une des raisons pourrait être due à la modulation de l’olfaction. 


  • Pour évaluer l’importance des récepteurs CB1 présents dans le bulbe olfactif et provenant des cellules corticales, des composés pharmacologiques activant les CB1 (THC = cannabinoides exogenes) ont été injectés directement dans le bulbe olfactif. Ils ont ensuite mesuré les performances olfactives.






Ce graphique montre la perception des odeurs d'une souris avec et sans THC au niveau du bulbe olfactif. On peux voir que pour une odeur de concentration faible comme 0.001% (odeurs très diluée), seules les souris traitées au THC peuvent les percevoir car elles vont explorer la source d’odeur de façon plus importante ; alors que les souris non traitées detectent l’odeur que quand elle est forte (valeur 0.1%).




Dès lors, plus il y a de cannabinoïdes dans le bulbe olfactif, plus celui-ci répond fortement à une odeur ! 

=> Ces résultats mettent en évidence qu’un des mécanismes qui partiperait à l’hyperphagie induite par les cannabinoïdes serait l’augmentation de la détection des odeurs.



  • Les scientifiques ont utilisé deux groupes de souris : un groupe ayant reçu une dose de THC, l'autre non. Les 2 groupes ont été exposés à des odeurs d'amande ou de banane (Oil = huile -n’a pas d’odeur = contrôle de l’expérience - O1 = 1ère exposition à l’odeur et O2 = 2ème exposition à la même odeur).
Lors de la première exposition à l’odeur, les souris ont été explorer cette odeur attrayante. Lors de la seconde exposition, le groupe de souris qui n'a pas reçu de dose de THC s'est vite désintéressé de l'odeur (phénomène d'habituation) alors que l'autre groupe de souris continuait à renifler. C'est ce que montre le graphique suivant :



    On en déduit que le premier groupe s'est habitué à l'odeur (accoutumance olfactive), alors que l'autre non.

    => Les cannabinoïdes empêchent les souris de s'habituer à l'odeur.


    Explication
    Nous avons vu que les cannabinoïdes permettent d'augmenter la détection des odeurs, ce qui augmente la sensation de faim et nous pousse à manger plus. Cela est dû aux CB1, présents sur les neurones glutamatergiques projetés du cortex olfactif antérieur vers le bulbe olfactif :


    - La protéine CB1 est exprimée sur les terminaisons des axones des neurones glutamatergiques. Son activation va inhiber les cellules granulaires.

    - Ces cellules granulaires étant GABAergiques, elles inhibent en temps normal les cellules mitrales du bulbe olfactif. Avec le THC, on enlève cette inhibition : il en résulte une stimulation des cellules mitrales !

    - L'activation des cellules mitrales a pour effet de diminuer le seuil de détection des odeurs : la souris peut ainsi détecter des odeurs qui sont en faible quantité. Cela  permet aussi d’éviter l'habituation à l'odeur ainsi la souris soumise à l'action du THC va percevoir une odeur plus longtemps qu'une souris normale.




    Modulation de l’olfaction induite par les cannabinoides via l’augmentation de l’activité des cellules mitrales



    => Les cannabinoïdes permettent donc d'augmenter la détection des odeurs chez la souris, et d'empêcher qu'elle ne s'habitue à ces odeurs. En conséquence, il y a une augmentation de la détection des odeurs et on observe une augmentation de la prise alimentaire !

    Attention à la transposition de ces résultats ! Il n'y a pas eu encore d'expériences de ce genre chez l'Homme.








    Sources
    Soria-Gomez (2014) the endocannabinoid system controls food intake via olfactory processes
    www.stop-cannabis.ch
    www.pourlascience.fr
    http://odeurstpe.e-monsite.com/


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